Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/122

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Vers dix heures, je fis un crochet par un chemin d’intérêt privé qui m’amena devant le porche de l’église d’un petit chef-lieu de canton au moment que l’on commençait de célébrer la grand’messe. Je me tins dans le fond de l’église et j’assistai à l’office avec une telle ferveur que je me crus un instant au seuil du Paradis. Ah ! Les anges qui venaient à ma rencontre ne se raillaient pas, eux, de mon melon cabossé, de ma jaquette et de mon pantalon râpés. Notre-Seigneur disait dans un parfum d’encens : « Je vois mon vieux Dessarps qui arrive. » Et je me rapprochais, en effet, du perron céleste. Et les ailes du divin serviteur qui m’avait été donné pour gardien s’élevaient et s’abaissaient devant moi comme des palmes.

Sous le porche, à la sortie, une petite fille se détacha d’un groupe élégant et vint glisser dans ma main une pièce de cinquante centimes.

— Merci, lui dis-je, petite fleur, pour cette goutte de rosée dont vous me faites l’aumône.

Elle alla, je pense, rapporter à ses parents mon propos, car ils me sourirent. Je les sa-