Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/124

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que le plat fût excellent, arrosé d’un verre de vin rouge.

Décidément, me disais-je, voici que je redeviens un noceur ! J’eus encore du bœuf à la sauce de tomate et quelques cerises. Ce festin terminé, j’offris vingt centimes de pourboire à la bonne, qui me les refusa en déclarant :

— Je crois que cela me portera bonheur de vous avoir servi sans accepter d’étrenne.

Lorsque cette fille eut disparu, et comme je demeurais dans ce coin ombragé d’un seringa et d’un sureau, je vis s’avancer dans l’allée centrale du jardin un homme d’une cinquantaine d’années, grand, brun, barbu, nez court. Il protégeait d’un parasol rouge sa tête nue, vêtu d’une jaquette et d’un pantalon noirs et chaussé de pantoufles en tapisserie. Il tenait un journal. Il s’approcha de moi et me dit :

— Il est honteux que le Gouvernement ne fasse rien pour les misérables. Tant que le ministère n’aura pas pourchassé jusque dans leurs derniers retranchements les nobles et les prêtres, on verra des martyrs comme vous.