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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/170

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FEUILLES DANS LE VENT

son caractère de vieillesse et de fermeté.

Mais avant de clore cette lettre, je me sens pris d’un remords ; je me demande si l’amertume que j’y laisse paraître est bien de circonstance et si, comme vous avez pardonné à ceux qui vous ont offensée, je ne dois pas oublier les cruautés que l’on infligea à vos derniers jours, à votre mémoire et à celle de Maurice.

Et alors…

Alors la Savante, la grande malade s’efface. J’entends des rires clairs. J’entends les merles. Je distingue une rose. Je ne vois plus, droite sur le perron, qu’une adolescente de génie. Sa résille pend sur sa nuque ainsi qu’un filet d’or lourd de pensées et d’images. Elle est laide, peut-être, aux yeux des hommes, mais ce masque, pour qui sait le percer, recouvre une angélique beauté. Cette adolescente contemple l’étendue, ce pays qui est pâle et comme frappé d’extase. J’approche. C’est vous. C’est vous. C’est bien vous. Vous me tendez la main. Et alors je veux vous parler, je veux vous dire quelque chose. Et je ne trouve plus en moi que du silence.