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FEUILLES DANS LE VENT

Et la Nuit, svelte et jeune, me dit en me la montrant :

— Regarde grand’mère. Que son teint est animé ! Comme je devine qu’elle attend de vieilles connaissances ! J’ai voulu le faire assister à la fête de nuit de ce nouveau printemps… Cette Nuit, la plus jeune du monde, c’est moi. L’année prochaine, il eût été trop tard. On peut devenir presque aussi âgée que la lune mais on n’a, qu’une fois, quinze ans. As-tu songé qu’elle aussi les a eus ? Vois ! elle n’a plus de dents. Mais elle est bonne à sa petite-fille. Elle veut sans doute me présenter à ses amis. J’en pleure d’attendrissement ; mais j’ai peur de rire un peu…

Les fleurs jouaient maintenant en sourdine, un peu malicieuses peut-être, car dans le personnage qui s’avançait per amica silentia lunæ, je reconnus le poète Ossian, né au troisième siècle, fils de Fingal et père de Malvina. Un casque le coiffait. Il tenait une lyre. La noire mer d’Écosse tonnait au pied du rocher où il s’assit. Je crus voir l’un de ces naïfs sujets de pendule qui, dans nos salons de province, offrent encore un thème