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OUVERTURE DU PRINTEMPS

de méditation aux octogénaires assoupi !

Et la lune dit alors à la Nuit :

— Mon enfant, celui que tu vois là fut un des chantres les plus inspirés par la Nuit de printemps. Et qu’importe sa mise si, dans ce cœur sincère, de grands deuils et de grandes douleurs se sont agités ? Ô toi ! qui ne connais que la légère France et ses chagrins légers, n’ignore point que dans les brumes d’un autre pays et d’une autre époque de lourdes souffrances ont régné. Ce poète est à la mode de son temps, aussi bien qu’Edward Young que je te présente et qui toucha merveilleusement du luth pour, lui aussi, accompagner cette saison sous les étoiles.

Edward Young, l’auteur des Nuits anglaises, nous apparut. Beaucoup plus moderne que son compagnon, mais bien antique tout de même, il portait une sorte de bonnet de coton et avait endossé une robe à ramages, verte et amarante, d’où ressortaient les jambes d’un caleçon de soie indienne. Et quelle que fût sa douleur qui, dans ce renouveau frissonnant évoquait les âmes de son enfant bien-aimée et de sa femme ; quelque mélancolie qu’exhalât