Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
171
OUVERTURE DU PRINTEMPS

couple de nouveaux mariés se fabrique un nid flottant de lianes et de roseaux, y monte et se laisse entraîner vers la mer.

La lune flottait silencieusement sur la cime des forêts, et, descendant dans les intervalles des arbres, poussait des gerbes de lumière jusque dans l’épaisseur des plus profondes ténèbres

Et, quand il passa devant elles, les fleurs se turent pour ne pas troubler la tristesse qui naissait du bonheur même qu’il éprouvait loin des siens.

Et la Nuit me dit : Regarde comme son Ombre est grande !

Les violes des lilas avaient repris leur motif parfumé. Une barque apparaissait maintenant et glissait sur un golfe aussi bleu que la lune. L’arôme des orangers se mêlait à celui des lilas. Un jeune homme, beau comme Antinoüs, ramait. La brise venue de Sicile se jouait dans les boucles de sa chevelure.

Assise en face de lui, une enfant aux mains poudrées de corail, aux joues brunes et calmes, chantait une chanson napolitaine. Des colombes endormies, qui s’étaient envolées en