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FEUILLES DANS LE VENT

rêvant, se posaient sur les épaules de ces deux êtres ravissants. De temps en temps, cet adolescent abandonnait ses avirons pour lancer par jeu à son amie des grains de ce raisin qui se gonfle de feu sur les flancs du Vésuve.

La jeune Nuit frémissait devant moi. Elle ne souriait plus. Elle contemplait ce printemps, de notre âge déjà, sur ces faces fières et illuminées de bonheur. Elle vit la compagne du jeune homme, quand l’esquif aborda, sauter sur le sable et ses mollets brunis s’agiter au milieu des poissons d’argent qu’avait ramenés leur filet.

Une vague plus douce qu’une parole d’amour fit courir un long frisson d’un bout à l’autre du golfe.

L’astre, pour admirer ce couple, s’était à demi voilé. Nous vîmes disparaître peu à peu l’un et l’autre : il la tenait par un bras. Elle dressait au bout de sa main libre un tambourin qui accompagnait sa voix chaude et nuancée. Et lui, ivre de cette nuit printanière qui l’avait fait surgir de ma mémoire, drapé dans une longue lévite noire serrée à la taille, il