IV
les quais, la nuit
Le soir va tomber sur ce Bordeaux qu’il retrouve parfois même à Paris, même à Londres. La pacifique obscurité ouate le roulement des camions chargés de barriques de rhum, sur ces quais où il vient rêver et qu’il va peindre. Un à un naissent les fanaux. Voyez celui qui tremble à l’avant de cette gabare et fait luire l’eau. Voyez ces réverbères qui font dans la nuit bleue une allée de taches de feu qui dans le fleuve se répercute. On ne sait de loin où commence la rive ni où elle finit. Et ces cafés, dont les globes dépolis s’assombrissent au mauvais fonctionnement de l’électricité, rougeoient, noircissent, se rallument. À mesure que s’étendent les ténèbres, les quais deviennent, par la magie de Lacoste, une fête de lumière, un de ces sursum corda dont a parlé Odilon Redon. Les phares tournent, ivres de joie, essuient de leurs rayons pareils à ceux de la nue pluvieuse et déchirée