Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/237

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C’est, tout près de moi, un très pauvre, très âgé et très infirme qui demande cela à une des jeunes filles qui prennent soin des hospitalisés. Je la vois sourire, et se pencher comme la liane d’un rosier rose vers le malade, et feuilleter un petit livre, et trouver le cantique désiré. Bien sûr qu’il est content, ce vieux pauvre, d’avoir auprès de sa voiture, sous le ciel bleu, cette enfant dont la joue est comme un abricot au soleil ! Maintenant voici qu’elle lui tend de l’eau dans son mignon gobelet. Et le vieillard boit et sourit. Et elle lui sourit encore, de toute sa bouche pareille à un fruit de velours rose aux graines blanches. Qu’ils sont donc bêtes, mon Dieu ! ces gens qui trouvent immorale ou déplacée une charité si jolie. Qu’ils viennent donc ceux-là, auprès de ce misérable ! Qu’ils l’interrogent sur sa joie à se voir servir ainsi ?



Je laisse là le vieux bonhomme et sa gentille fée, et je projette plus loin mon regard. Ce qu’appelle cette foule où pèse un silence