Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/320

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— Et pensez à cette chose merveilleuse, continue le botaniste, que, dans cette graine, depuis tant de siècles, veille la petite plante… Ainsi, des trônes s’écroulaient, des volcans avalaient des îles. Dieu était crucifié, et cet atome de vie végétale, dans son obscur domaine, n’eût demandé qu’une goutte d’eau pour parfumer les reines qui renaissaient, les îles qui se reformaient et la croix que redressaient les conquérants du Saint-Sépulcre !… Et, durant ces périodes, de quoi s’est-elle nourrie ? … Simplement d’un peu d’amidon…

— Coralie ! Tu vas briser ce vase !

— Bah ! Laisse-moi donc…

— Moi, dit Christiane à voix basse, je croyais que l’amidon ne servait qu’à empeser les cols…

— Tais-toi, dissipée !

— Et un jour, termine l’oncle Tom, un jour, cette pauvre semence perdue dans l’infini est tombée dans ma main… Et elle qui sommeilla dans les ténèbres, auprès de quelque momie, va sans doute épanouir ses ombelles bleues. Et, peut-être, mes enfants, que de ce même héliotrope qu’avait déposé — qui sait ?