Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/391

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âme ! Et mon corps ! Et qu’il me serait vain d’essayer de lutter contre moi-même ! Autant vouloir empêcher cette fleur de donner son odeur. Et quand Pierre est là, c’est comme du soleil qui irrite mon désir.

Pauvre papa ! Pauvre maman ! Quelle bêtise ils ont faite ! Eh, oui !…La belle situation de Paul, l’aisance… tout le reste, c’est des chimères… il faut se créer un intérieur… on ne vit pas de l’air du temps… l’amour vient ensuite sans qu’on y pense… Ah ! je les connais, je les connais, je les connais, tous ces clichés servis par la dure race de la terre à la jeune fille, cette alouette qui veut s’enlever du sillon. C’est un homme sérieux que tu épouses, disent-ils. Mais un poète, un artiste, qu’est-ce que c’est ? Un meurt-de-faim. Et l’on sourit. Ton Pierre, mais il n’est pas célèbre du tout. Les Annales n’en parlent jamais. Tu vois bien que nous avons raison. Et alors c’est Paul que l’on épouse quand on aime Pierre. Oh ! que je suis malheureuse ! Oh ! que je suis heureuse ! Si c’était lui ? J’entends la cloche du portier.