Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/440

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PIERRE

Du courage, ma bien-aimée.

FRANÇOISE

J’ai du courage. Mais tu sais… à la veille de ce grand jour… Oh ! ne me gronde pas… Quand mes enfants jouaient au long des capucines… Quand tu verras… Oh ! c’est mal ce que je te dis, parce que ça va te faire mal… Mais, tu comprends, il faut qu’il sache si jamais… il faut qu’il sache qu’à la veille de ma mort je vous portais tous dans mon cœur avec passion.

PIERRE

Quoi ? Tu l’aimes comme tu m’aimes ?

FRANÇOISE

Non… non pas de la même façon. Je l’aime d’une grande tendresse apitoyée… Oh ! pardonne-moi de te parler ainsi de Paul à mes dernières heures peut-être… Je l’affectionne d’une douleur grande comme l’amour, d’un sentiment qui n’a pas de nom, du sentiment dont on vénère un être à qui l’on a fait du mal…