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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/453

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voulu t’épargner cette suprême humiliation de l’hospice. Mais un scrupule envers un autre que moi-même m’en a empêche. Et aujourd’hui, en l’envoyant ce chèque, je voudrais ne blesser personne ; ce n’est ni à toi ni à un autre que je l’adresse, mais à mon prochain qui est tombé blessé sur la route et qui demain, plus que jamais, sera dans la détresse au sortir de l’hôpital. Ce que je n’avais osé faire, je ne peux plus ne pas le faire parce que j’ai trop souffert de te savoir souffrir. Il est un point de souffrance morale et un point de souffrance physique par où l’on rejoint l’infini : celui dont le cœur saigne est le créancier de tous les hommes et nul n’a le droit d’exiger de lui le moindre intérêt. Je ne te parlerai pas, ma pauvre Françoise, de l’humiliation où j’ai été lors de ton départ, des sourires des autres, ni même de l’estime que certains me témoignaient. Je ne te parlerai surtout pas de mon amour. J’ai triomphé de mes ressentiments par la foi que tu me connais. Je t’ai trouvé des excuses. Je n’étais pas assez intelligent pour toi et je n’étais pas un artiste, et il y avait dans ton cœur des