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DEUXIÈME JEUNE HOMME

Non. C’est plus complexe. Pierre Denis était au fond, quand je l’ai connu, un mystique, mais un de ces mystiques dont la foi se prépare dans une vision splendide et terrible du monde matériel. Je me souviens des poèmes qu’il nous lut dans la montagne. C’étaient des vers sur un cerisier en fruits, sur la moisson dans la canicule, sur une femme lourde et blonde qu’il rendait si présente que les mots semblaient disparaître peu à peu, se fondre dans l’azur incandescent… Cette femme était peut-être la femme qu’il a enlevée ou qui s’est fait enlever.

PREMIER JEUNE HOMME

Et que disait Paul Ardel de ces poèmes ?

DEUXIÈME JEUNE HOMME

Il avait l’air plutôt gêné, mais en admirant. Il guettait sa proie, d’une dent aiguë qui ressort ; il levait son front rond comme l’arc d’une cathédrale romane. Sa parole de bois, sans nuance comme un chiffre, se fai-