Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/470

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hélas ! je n’ai pas besoin d’être réveillé… Car je suis ici, sur un banc, dans une vie et dans un pays qui existent, loin de ma contrée natale. Et en attendant réellement la femme qui m’a été infidèle, je me sens triste jusqu’à la mort et je dis : mon Dieu ! Faites que ce calice s’éloigne de moi…

Et cependant je ressens je ne sais quelle douceur dans mon humiliation. Que votre grâce ne m’abandonne point, Seigneur ! car il se fait tard et déjà le jour de mes années décline et il faut l’employer avec miséricorde et charité, il faut soigner le repentir avec l’amour.

… Je l’aime. Je l’aime comme aux premiers jours, quand elle riait d’être trempée par la tonnelle trop étroite pour nos baisers. Je l’aime, et si son corps a été fané par la douleur de la chair et de l’esprit, je la conserverai dans l’ombre, jalousement, comme une pensée en deuil entre les feuilles d’un paroissien sacré.

… Ah ! si en cet instant le reste du monde n’existait pas, mais seulement Françoise et moi et les enfants, il me semble que je ne