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L’OISEAU

J’ai dormi l’autre nuit sur des grappes de sorbes.
Je suis heureux. Je suis un petit oiseau sobre.
Quand il fait trop de vent, quand tombent dans les combes
du haut en bas, en dégringolant, des blocs d’ombre,
je me cache entre deux touffes de serpolet…
Mais quand le Printemps vient, je prends une femelle,
lorsque l’azur est rose et que le verger blanc.
Nous volons quelques jours ensemble, sans savoir
ce qui gonfle nos cœurs de graines et d’espoir.
Puis, pour faire leur nid aux œufs bleus qui vont naître,
ne trouvant pas pour eux de choses assez douces,
nous tapissons le cœur de la plus tendre mousse
avec le duvet clair tombé de nos caresses.

LE POÈTE

Moi aussi, dans le temps, j’avais une maîtresse
plus nue et plus jolie que n’est ce pays-ci.
Mon Dieu ! Nous nous étions donnés tant de caresses
qu’un jour il aurait pu nous naître des œufs bleus
dans un nid de fougère ou entre deux racines…