Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/103

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villa n’est point humide, ce qui est d’une grande importance pour une créole qui n’a jamais quitté les Antilles. La description qui accompagne votre plan est séduisante. Cet isolement, non loin du village où s’est passée ma jeunesse, conviendra à cette âme profondément blessée par la vie. Je crois, du reste, me souvenir de cette habitation. Ne l’appelions-nous pas la propriété fermée ? Ne domine-t-elle pas un léger coteau, non loin de Noarrieu ? N’y a-t-il pas, tout auprès, un vieux puits auprès duquel je me suis posté bien souvent durant nos chasses au lièvre ?

Ce que vous me dites du jardin me plaît également. Laure aime les belles fleurs. Comme elle adore aussi les oiseaux, vous seriez charmant d’en faire mettre quelques-uns en volière par les petits paysans de Balansun. Ils ne sont point comparables à nos oiseaux des Tropiques, mais les bouvreuils, les chardonnerets et les linots ont d’agréables chants.

Mon amie est dans une mélancolie profonde de quitter La Pointe-à-Pitre. Son angoisse redouble à l’idée que sa famille ne saura point si elle est morte ou vivante. Je lui ai promis que, pour rassurer ses parents, vous chargeriez un de vos amis fidèles de Londres de porter lui-même au navire qui fait le courrier des Antilles une lettre qu’elle vous fera tenir, destinée à rassurer les siens.

Je ferai partir Laura secrètement pour Saint-Pierre de la Martinique, où elle s’embarquera le 30 courant, à bord de l’Aimable-Elisa. Je vous prierais de l’aller quérir à Pauillac-sur-Gironde, où l’on fait escale, en compagnie du Dr Campagnolle. Il est toujours entendu que Laura passera aux yeux des

curieux de Balansun et de Noarrieu pour une malade