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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/162

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qu’une vie nouvelle se levait en moi… Lorsque je me suis retrouvée seule dans ma chambre, je me sentais si émue de reconnaissance envers le Ciel, et ma foi était si ardente, que je me comparais à ces lampes du sanctuaire qui ne savent que se consumer pour Dieu. J’ai compris à ce moment que, si René ne m’avait été envoyé par la Providence, j’aurais quitté le monde pour vivre dans la divine exaltation de Fiançailles Éternelles. Ô Almaïde ! Prie pour moi. Et qu’un pareil bonheur t’inonde !… Si j’avais été morte… Ah ! C’est toi qu’il eût dû choisir…

— Éléonore est bienheureuse, se dit Almaïde… Comme l’on est égoïste quand on ne souffre pas ! On étale sa joie aux yeux des abandonnés… Moi, je demeurerai seule. Je vieillirai dans l’attente. Chaque jour du calendrier sera pareil à l’autre…

Pauvre Almaïde ! Ses yeux sont gonflés de larmes, sa gorge est contractée. Elle étend le bras, cueille une rose et la baise avec tristesse, comme si elle la prenait à témoin de sa douleur.

Puis, se redressant :

— Allons, pense-t-elle, fuyons ces lieux désolés.

Elle sort du parc à l’heure du couchant, traverse le hameau où ne s’entendent que les rebondissements d’un marteau de forge.

C’est dans le plus secret recoin d’une « Vallée