Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/171

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sonore dont elle pince les cordes sourdes, Almaïde se met à chanter.

Par la fenêtre, son regard plonge dans la nuit bleue qui se lève et recouvre l’étang de splendeur. Les chauves-souris, amies des greniers vermoulus, tournoient, hésitent, crissent, cliquètent et glissent dans l’air liquide. Pareilles à de noires fumées, les branches touffues des chênes moutonnent dans l’azur nocturne qui, au-dessus de l’allée ténébreuse, semble s’écouler comme un fleuve de nacre.

La guitare glisse aux pieds d’Almaïde. La tête en arrière, les bras pendants, les yeux perdus, les narines mobiles, elle frémit un instant. Car, vision rapide, elle croit voir, dans le clair de lune qui s’élève et tremble comme un ruisseau, s’arrêter un chevrier adolescent qui tend vers elle en riant les baies d’arbouse de son torse.