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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/174

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vous plus sombre encore que de coutume l’âme d’Almaïde d’Etremont ?

Elle s’assied sur son lit avant que d’en descendre, et contemple avec un sentiment d’amer orgueil la rondeur parfaite de ses bras. La noire lumière de son regard les caresse. Elle en respire l’odeur un peu fauve, et soudain sa poitrine est gonflée de sanglots.

Qu’elle est donc belle, une fois habillée ! Dans son énorme robe rose couleur de figue ouverte, et bombée par la crinoline, elle a l’air d’une corolle renversée, d’une belladone de feu dressée sur ses étamines. Le dos brun jaillit du corsage, engaine comme d’un calice la base de cette folle fleur. Et l’on dirait, à chaque pas qu’Almaïde fait dans la chambre sur la pointe de ses bottines roses, qu’elle va bondir nue des pétales ardents.

Cependant la cloche nuptiale sanglote dans l’air angélique et de lourds carrosses roulent dans la cour. Ce sont les familles des environs qui arrivent. Voici les Limereuil. Voici les Demonville. Voici le vieux marquis d’Astin qui tremble, et boite de sa jambe de bois, appuyé sur son ami d’Ellébeuse. On remarque toujours la beauté de ses cheveux blancs. Il a quitté par exception le fauteuil de cuir où il traduit l’Énéide, et où il se souvient de l’empire chinois qu’il visita. On dit