Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/175

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que de tragiques aventures bouleversèrent sa vie et qu’au crépuscule de sa destinée il se prépare, comme Robinson au retour de son île, à aborder en paix la Contrée de Dieu. De la fenêtre où elle est, Almaïde le voit passer. Elle distingue son profil accusé et cette ride de douleur qui balafre la joue du vieillard. Deux claires adolescentes, au bas du perron, lui font gravement la révérence. Il les salue sans leur sourire.

Le galop de nombreux chevaux roule, sur le gravier. Ce sont les jeunes paysans de la vallée qui viennent saluer l’épousée. Ils lui amènent une douce génisse couronnée de lierre. Et des villageoises en blanc soutiennent une cage d’osier où s’effarouchent deux tourterelles. L’allée est jonchée de laurier, de buis et de glaives d’iris. Et la cloche, à qui soudain répondent les deux colombes, roucoule toujours dans la matinée immatérielle. Et des voix d’adolescentes, plus légères que des églantines, s’effeuillent aux échos de la maison. Elles se sont éveillées de grand matin dans le dortoir que l’on a improvisé pour elles auprès de la chambre de la fiancée, rieuses et élevant leurs grêles bras nus vers leurs cheveux encore endormis.

Bientôt se forme le cortège. La mariée paraît et se balance. Elle est comme un lys que parent