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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/178

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parmi l’ombre des gerbes. Une lourde liqueur gonflait les raisins violets de Chanaan… Les femmes accouchaient à l’ombre des dromadaires. Les jeunes chefs de la tribu priaient dans le désert.

… Ô mon Dieu ! se dit Almaïde d’Etremont… mon Dieu, écoutez-moi, je veux aimer, je suis si triste… si malheureuse… Mon Dieu, j’ai le besoin d’aimer quelqu’un… Je crie vers Vous…

Mais rien ne répond à la jeune fille que le petit harmonium qui continue sa note grêle pareille à la voix du vent du soir sur les eaux.

Le cortège se reforme et l’église se vide. Et le parfum des verdures déjà flétries est plus fort au soleil de midi. On a dressé deux tables dans la grange dont les murs sont tapissés de feuilles. À l’une sont conviés les villageois du hameau. Le repas est commencé. Les bruits du jour au dehors se consument. La porte est close. On n’entend que le bruit léger des fourchettes sur les faïences. L’ombre arrose la paix des âmes. M. d’Astin se lève et dit :

— Il m’est doux, ma bien chère enfant, ma bonne Éléonore, de méditer sur votre bonheur alors que le soleil va bientôt se lever pour moi sur le continent des Ombres. Je suis comme le pèlerin qui a regagné le village natal, et qui ne demande plus qu’à reposer bientôt en paix sous