Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/189

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Cavernes creusées par le liquide saphir des eaux vierges : voyez passer deux aimables enfants !

Tantôt les sombres daphnés les invitent à s’étendre, tantôt une pelouse plus verte que la vallée où se mouraient d’amour les pâtres de Cervantès les accueille et les alanguit.

Almaïde d’Etremont a voulu revêtir, pour ces courses alpestres, le capulet et le châle ossalois. Elle-même a brodé les aconits, les pavots et les colchiques d’automne sur la soie sonore et luisante que bombe sa gorge. Et Petit-Guilhem ne l’aime que mieux ainsi, car elle ne lui paraît plus être la demoiselle des Aldudes, mais la sœur des chevrières qu’il délaisse et qui, de l’éclatante blancheur des couchants, ramènent l’ombre harmonieuse des troupeaux.

Qu’il est bon que se dissipe enfin la tristesse d’Almaïde ! Oh ! l’écœurante vie que, jusqu’à présent, elle a traînée ! Elles s’enfuient maintenant, les nausées de l’existence ancienne, l’âcre et monotone douleur qui gonflait son âme de dégoût, l’iniquité de n’être aimée de personne, elle, dont le cœur débordait d’amertume et d’étouffante jalousie quand, sur les toits des métairies, les pigeons roucouleurs mêlaient leurs ailes.

La mort ; elle eût préféré la mort à ce retour en arrière ; la mort qu’elle avait souhaitée jadis lorsque,