Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Regardez là-bas ?

— Oui. Il neige…

— Oui, et une tempête de vent… Gare ! Couchons-nous… Ce grésil brûle la figure et les mains. On dirait des étincelles… Tiens !… une martre, là-bas… Voyez-donc cette martre ?…

— Ne bougeons plus.

Ils demeurent immobiles, la face vers la terre, cramponnés à leurs bâtons, de peur d’être enlevés par la rafale.

On repart enfin. Ce n’est plus, jusqu’à la limite du ciel, qu’une seule et immense courbe jaune ou blanche sur laquelle rien n’existe, pas un mouvement, pas un bruit. Il semble qu’une mouche, tant la solitude est mortelle, suffirait en volant à faire basculer l’horizon. On ne peut, à cause de la force de l’ouragan, atteindre le sommet du col. Il faut redescendre.

Les glissades commencent. Petit-Guilhem s’assied le premier sur la pente de neige et se laisse aller, modérant parfois de son bâton la vitesse vertigineuse. Chacun le suit en riant, les reins soulevés par des monceaux de neige en boule, éprouvant à cette sorte de vol presque horizontal cette sensation du dormeur qui rêve qu’il plane, étendu sur le dos.

Bientôt, l’on va quitter le névé et se retrouver