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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/194

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qu’il vient de quitter, et frissonne de conserver si longtemps dans son épaule creuse la caresse qu’y nicha tout à l’heure l’épaule douce et ronde d’Almaïde. Il se dit : ces messieurs qui sont avec moi n’ont certainement pas une amie aussi jolie… Et il évoque la bouche fine d’Almaïde, le nez mobile et mince, arqué, la langueur des yeux, l’élastique tiédeur de la gorge, la grâce mate des jambes sous la mousseline.

À l’horizon, le relief des montagnes s’accuse violemment tout à coup. Çà et là, perçant la brume, apparaissent, comme les veines du ciel, les arêtes d’azur sombre sillonnées de filets de neige. À mesure que l’on monte et que l’on change de position, il semble que les pics les uns devant les autres étagés se déplacent, que leurs crêtes se renouvellent.

On s’enfonce dans la nuit bleue des sapins. On entend toujours les bâtons obliques tâter le sol rocheux du côté où n’est pas le gouffre. Voici la première plaque neigeuse… Attention !

Petit-Guilhem va tracer le chemin. Il hésite, puis enfonce résolument ses pas dans la neige dont la surface arrive à ses genoux. Les trous ainsi formés, et où chacun des touristes pose à son tour les pieds, ont la lueur verdâtre d’une rivière profonde.