Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/209

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nation à demeurer fermée, peut-être la volonté de ne s’ouvrir qu’au baiser, délicatement, comme une bonbonnière de corail — au-dessus de l’ivoire ovale et charnu du menton. Elle est habillée d’une robe verte de même nuance que le vêtement de M. d’Astin, et une ceinture lilas nouée par derrière ressort des deux côtés en larges ailes de papillon.

— … Toute la nuit, et une partie de la matinée, — reprend M. d’Astin, — j’ai songé à vous, mon enfant. Écoutez-moi.

J’ai connu bien des douleurs… L’âge m’a donné l’expérience. Tout homme qui a beaucoup souffert et vécu n’ose plus condamner, peut-être parce que lui-même aura bientôt besoin de la miséricorde de Dieu…

Ma chérie, vous avez aimé parce que vous aviez besoin d’aimer. Votre sentiment ne fut point vil. Vous avez aimé d’un amour naturel, et non point de cet amour qui s’achète ou se vend aujourd’hui par un mariage intéressé, et qui fait, hélas ! que la plus divine des aspirations se fabrique à volonté dans le cœur d’une jeune fille. Cette pierre philosophale, cette transsubstantiation que recherchèrent des alchimistes, on l’a trouvée, ô mon enfant ! La plupart des pères, des mères, cèdent leur fille au roi Midas. Pensez-vous que Dieu voie sans