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LE ROMAN DU LIÈVRE

Pourquoi se fût-il mêlé aux hommes, qui, non loin de sa retraite, cueillaient les quenouilles des maïs où le soleil fila des grains pâles de lumière ? Ses paupières sans cils ne se pouvaient accommoder de l’éblouissante palpitation des midis et, par cela seul, il savait ne pouvoir s’approcher sans danger de ceux qui fixent sans aveuglement les flammes blanches des labours.

Rien ne le sollicitait au dehors que lorsqu’il était temps qu’il sortît de lui-même. Sa sagesse obéissait à l’harmonie. La vie lui était une musique dont chaque note discordante lui conseillait qu’il se méfiât. Il ne confondait point la voix de la meute avec celle, lointaine, des cloches ; ni le geste de l’homme avec celui de l’arbre agité ; ni la détonation du fusil avec celle de la foudre ; ni celle-ci avec le roulement des tombereaux ; ni le sifflet de l’épervier avec celui des batteuses à vapeur. Il y avait ainsi tout un langage dont il tenait les mots pour ennemis.