Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/212

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l’aimer et qu’à chérir l’enfant qu’elle me promettait. Mais son père surprit nos relations et, trouvant qu’elle s’était déshonorée à fréquenter un chrétien, il la fit dévorer par des truies. Et je perdis ainsi la plus aimable des maîtresses et la fleur de tout un Printemps.

M. d’Astin se recueille, le front dans une main. On entend le bruit du feu et celui du vent dans le parc, ce même vent peut-être qui soufflait jadis sur le jardin de la Chine où, dans un massif épais, le jeune marquis sentait fléchir sous lui Li-Tsée, plus souple et douce qu’un rameau fleuri de cognassier.

Almaïde est aux genoux du vieillard qui pose sa main sur elle en signe de bénédiction, et dit :

— Ne vous troublez point. Je suis ému en songeant que ma pauvre Li-Tsée n’eut jamais le bonheur que vous allez avoir : celui d’être mère. Votre enfant, vous en serez fière, puisque Dieu vous l’envoie. Si je vis encore quelques mois, il me fera me souvenir de celui dont on me priva… Oui, Dieu nous l’envoie. Nous l’accueillerons. La position que je lui laisserai, je n’ai pas d’héritiers naturels, sera belle. Et votre richesse vous évitera bien des ennuis. Mon amie, vous élèverez cet enfant non point en secret, ni en désavouant son origine, ce qui serait facile. Mais vous le produi-