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AUX PIERRES


À Gabriel Frizeau.


Brillantes sœurs des torrents que je rencontrai au bord du lac alpestre ; pierres aimées des iris et du froid azur ; vous sur qui tombe le sel candide que lape l’agneau ; miroirs dont la lumière est changeante comme la gorge du pigeon ; qui avez plus d’yeux que le paon, cristallisées par le feu, dont les veines de neige sont devenues éternelles ; compagnes des cataclysmes primordiaux ; vous qui, d’abord, n’avez été que lave et qui, ensuite, avez été bercées par la mer jusqu’à ce que la colombe de l’arche roucoulât, éperdue d’amour, en vous apercevant…

Le grain luisant de votre chair a tantôt la blancheur marbrée de bleu du poignet d’une enfant ; tantôt il se dore de cuivre comme le flanc d’une femme lourde et belle ; parfois il s’argente de mica ainsi qu’une joue au soleil ; parfois il se rembrunit