Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/249

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Le jeune homme, étant devenu un vieil homme, fumait toujours dans sa pipe neuve qui était devenue vieille.

Un soir Thomas mourut. Ce furent des hommes de la police qui emportèrent son cadavre on ne sait où.

Alors le vieil homme se trouva seul avec sa vieille pipe. Il fut pris d’un grand froid et d’un grand tremblement. Et, comme il sentait qu’il allait mourir bientôt, et qu’il ne pouvait plus fumer, il prit dans la valise misérable qu’il avait emportée autrefois de chez lui un vieux chapeau triste à faire pleurer et dans lequel il roula sa pipe.

Cela fait, il jeta sur ses épaules fiévreuses un manteau verdi par le temps. Il se traîna péniblement jusqu’à un petit square voisin, et, prenant garde que les sergents de ville ne l’aperçussent pas, il s’agenouilla, gratta la terre de ses ongles, et déposa pieusement sa vieille pipe sous une touffe de fleurs. Puis il revint chez lui et mourut.