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LE MAL DE VIVRE


Un poète qui se nommait Laurent Laurini avait le mal de vivre. C’est un mal horrible et qui fait que celui qui l’a ne peut voir les hommes, les animaux et les choses, sans horriblement souffrir. Puis c’est encore de grands scrupules qui empoisonnent le cœur.

Le poète quitta la ville où il demeurait. Il alla dans la campagne regarder les arbres, les blés, les eaux ; écouter les cailles qui chantent comme des sources, les retombements des métiers des tisserands et les fils du télégraphe qui bourdonnent. Ces choses et ces bruits l’attristaient.

Les plus douces pensées lui étaient amères. Et quand, pour échapper à son affreuse maladie, il avait cueilli quelque jolie fleur, il pleurait de l’avoir cueillie.

Il arriva dans un village, par une soirée douce qui avait le parfum des poires. C’était un beau village, comme ceux qu’il avait souvent décrits