Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/255

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joie et lui lécha la main. Il vit que, depuis son départ, la pauvre bête avait dû avoir quelque attaque de paralysie, parce que les chagrins et le temps prennent aussi le corps des animaux.

Laurent Laurini monta l’escalier et, près de la rampe, il fut ému, voyant la vieille chatte tourner sur elle-même, faire le gros dos, lever la queue, et se frotter aux marches. Sur le palier sonna l’horloge reconnaissante.

Il entra dans sa chambre, doucement. Il vit sa mère agenouillée et priant. Elle disait :

— Mon Dieu, faites que mon fils vive. Mon Dieu, il souffrait tant… Où est-il ? Pardonnez-moi de l’avoir fait naître. Pardonnez-lui de me faire mourir.

Mais lui, agenouillé déjà près d’elle, mettait ses jeunes lèvres aux pauvres cheveux gris, disait :

— Viens avec moi. Je suis guéri. Je sais une campagne où sont des arbres, des blés, des eaux, où chantent les cailles, où rebondissent les métiers des tisserands, où bourdonnent les fils du télégraphe, où une pauvresse possède mon cœur et où joue ton petit-fils.