Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/277

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Tout à coup, il tomba roide-mort sur le pavé gluant.

Il arriva à la porte du ciel. Un grand savant qui attendait que saint Pierre vînt lui ouvrir dit au cheval :

— Que viens-tu faire ici ? Tu n’as pas le droit d’entrer au ciel. Moi, j’en ai le droit, parce que je suis né d’une femme.

Et la pauvre rosse lui répondit :

— Ma mère était une douce jument. Elle est morte, vieille et sucée par des sangsues. Je viens demander au Bon Dieu si elle est ici.

Alors la porte du Ciel s’ouvrit à deux battants et le Paradis des animaux apparut.

Et le vieux cheval reconnut sa mère qui le reconnut.

Elle lui fit honneur en hennissant. Et, quand ils furent tous deux en la grande prairie divine, le cheval eut une grande joie en reconnaissant ses anciens compagnons de misère et les voyant à jamais heureux.

Il y avait ceux qui traînèrent des pierres en glissant sur les pavés des villes, qui furent roués de coups et s’affaissèrent avec le poids des chariots sur eux ; il y avait ceux qui, les yeux bandés, tournèrent, dix heures par jour, le manège des chevaux de bois ; les juments qui, dans les courses