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DE LA CHARITÉ ENVERS LES BÊTES

À Adrien Mithouard.



Il y a, dans le regard des bêtes, une lumière profonde et doucement triste qui m’inspire une telle sympathie que mon âme s’ouvre comme un hospice à toutes les douleurs animales.

Telle rosse plate qui sommeillait, la bouche à terre, sous la pluie nocturne, devant un café ; l’agonie d’un chat écrasé par une voiture ; un moineau blessé réfugié en un trou de mur sont autant de souffrances qui, à jamais, sont en mon cœur. N’eût été le respect humain, je me fusse agenouillé devant de telles patiences, de telles tortures, car j’avais la vision d’un nimbe entourant les têtes de ces êtres douloureux, nimbe réel, grand comme l’univers, qu’y posait Dieu.

Hier, je regardais, dans une foire, tourner des animaux de bois. Il y avait, parmi eux, un âne.