Aller au contenu

Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’eux que Dieu et la Mort, je les retrouvais là, ô misère de mon cœur ! Ils tournaient, tournaient encore dans cet étroit espace, et la douleur qui d’eux montait vers moi était comme un vomissement vers les hommes. Ils allaient, allaient toujours, fiers comme des cygnes pauvres, nimbés de désolation, couverts de pagnes grotesques, bafoués par des femmes qui dansaient, levant leur pauvre col vermineux vers Dieu et vers les feuilles miraculeuses de quelque oasis de délire.

Ah ! prostitution des êtres de Dieu !… Plus loin des lapins étaient en cage ; plus loin des poissons rouges en loterie nageaient en des ballons de chimie au goulot si étroit que F… me demanda ; Comment les y a-t-on pu entrer ? — En pressant un peu lui dis-je. Plus loin des volailles vivantes, en loterie aussi, étaient entraînées par le mouvement d’un tourniquet. Au milieu d’elles, saisi d’une peur folle, un petit cochon de lait se tenait à plat ventre.

Poules et poulets, pris de vertige, criaillaient et se mordaient les uns les autres, affolés. Et mon compagnon me fit remarquer des poules mortes et plumées qui étaient suspendues auprès de leurs sœurs vivantes.

Mon cœur se soulève à ces souvenirs. Une immense pitié m’envahit.