Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/31

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récompense de leurs œuvres terrestres, ils avaient demandé que leur fût conservé ce qui les avait aidés à gagner le Ciel. Et alors, leurs obscures besognes avaient revêtu je ne sais quel mystère. Des artisans se montraient aux seuils où étaient dressées des tables pour le repas du soir. On entendait le rire des puits célestes. Et, sur les places, des anges qui ressemblaient à des barques de pêche s’inclinaient dans l’allégresse du crépuscule.

Quant aux animaux, ils ne voyaient, dans leurs rêves, ni la terre ni le paradis tels que nous les concevons et voyons. Ils songeaient à des étendues diffuses où se confondaient leurs sens. Il brumait en eux. L’aboiement des meutes s’alliait, chez Lièvre, à la chaleur solaire, à de brusques détonations, à des mouillages de pattes, à un vertige de fuite, à l’effroi, à l’odeur de l’argile, à l’éclair du ruisseau, au balancement des carottes sauvages, au crépitement du maïs, au clair de lune, à l’émoi de voir surgir sa femelle du parfum des reines-des-prés.

Tous, à travers leurs paupières closes, voyaient remuer des reflets de leurs existences. Mais les colombes, protégeant du soleil leurs vives petites têtes mobiles, c’était dans l’ombre de leurs ailes qu’elles cherchaient leur Paradis.