Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/326

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en haut d’un chemin grimpant, un vieil homme. Cette cabane, on la nommait le Paradis. Mon père m’y conduisait à l’heure où la noire bruyère des coteaux se dore comme une église. Je m’attendais, au bout de chaque promenade, à trouver Dieu assis dans le soleil qui semblait s’endormir à la cime du sentier caillouteux. Me trompé-je ?

Moins facilement j’évoque le Paradis catholique : les harpes d’azur, la neige rose des légions dans les purs arcs-en-ciel. Je m’en tiens encore à ma première vision, mais depuis que j’ai connu l’amour, j’ai ajouté à ce divin domaine, devant la hutte du vieil homme, une tiède pelouse en pente où herborise une jeune fille.



J’ai tout à la fois l’âme d’un faune et l’âme d’une adolescente. Et l’émotion que j’éprouve à considérer une femme, est le contraire de celle que j’ai à regarder une jeune fille. Si l’on pouvait se faire comprendre à l’aide de fruits et de fleurs, j’offrirais à la première des pêches brûlantes, des cloches roses de belladone, des roses lourdes ; à la deuxième, des cerises, des framboises, des co-