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Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/339

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percevraient-elles pas le silence qui naît du pieux repos des êtres et des choses ? Ne connaissent-elles pas mieux que nous le cri du joug dans la plaine, l’exclamation de la hache, les sanglots des sonnailles, le choc des battoirs, l’appel des sabots — tous bruits qu’elles fuient par crainte de l’homme ? Ce sentiment d’un calme périodique n’aurait-il pas été transmis aussi bien que la peur, d’écureuil à écureuil, de mésange à mésange ? C’est probable.



La tristesse même de la petite ville me plaît, les rues aux boutiques obscures, l’usure des seuils, les jardins nageants, à la belle saison, dans un enfoncement de buée bleue qui est un fouillis de roses trémières, de glycines, de treilles, ou pelés comme des ânes, avec des haillons qui sèchent au-dessus des bordures de buis teigneuses, le ruisseau des tanneurs qui charrie la nacre mince du ciel et reflète durement les toits parmi les plantes vaseuses, le gave qui creuse les rocs, luit, tourne et file.

La petite place est jolie, que la cigale y crie dans les ormeaux d’Été, que le vent d’Automne la râcle, ou que les pluies la rayent. Il y a un petit