Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/368

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ser en influençant leur maîtresse. C’est ainsi qu’elle lui fit entreprendre plusieurs voyages dont elle espérait bien qu’il ne reviendrait pas. Mais bientôt, il suppliait, et elle se laissait toucher par cet attachement, partagée entre l’exigence de ses amants et son affection pour celui qu’elle avait élevé.

Elle ne laissa donc jamais de mener la même existence, depuis son aventure avec M. de Tabel jusqu’au triomphe du perruquier Vintzeried, qui vint à bout du fâcheux. Car, après une dernière tentative, le pauvre Jean-Jacques dut quitter définitivement Chambéry, chassé par l’insolence et la grossièreté de celui qu’il appelait, pour complaire à sa chère Maman, « mon bon frère.[1] »



  1. Avant même qu’elle fût devenue sa maîtresse, elle l’envoie à Fribourg avec Merceret, la femme de chambre, pendant qu’elle entreprend un voyage avec Claude Anet (année 1732).

    Plus tard, sous prétexte de l’éloigner de la société d’un monsieur Venture, qui fait la joie des Chambériennes, elle l’expédie avec Lemaître.

    Encore : elle le maintient dans cette persuasion singulière qu’il a un polype au cœur, afin qu’il aille se faire soigner à Montpellier et qu’il y demeure. Il ressort en effet d’une lettre de Rousseau, datée de cette époque, à sa « chère Maman », qu’il est dans la douleur la plus grande à l’idée qu’elle veut l’éloigner. Il supplie, et semble disposé, pour revenir aux Charmettes, à subir les plus fortes humiliations, « les plus durs travaux de la terre », les voisinages les plus dégradants.

    Il revient à Chambéry. Elle le fait partir pour Lyon probablement sur l’instigation du perruquier Vintzeried. Il y séjourne deux ans, chez M. de Mably, essaye de revenir auprès de Maman, puis part pour Paris.