Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/371

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retiré avec Thérèse, fatigué par les durs lauriers qui avaient remplacé la pervenche des Charmettes. Elle allait en Chablais et n’avait plus de quoi achever son voyage.

Rousseau n’avait point d’argent sur lui, mais, une heure après, il lui en envoya par Thérèse, l’épouse future du palefrenier.

Mme de Warens, ravagée par les douleurs, la misère et la passion, reçut la niaise et vulgaire servante avec ce sourire d’infinie bonté que possèdent seuls les grands incompris.

Peut-être même la terrible inconscience de l’homme de génie qui osait lui dépêcher une telle mandataire lui échappa-t-elle ?

Elle accueillit, sans doute avec calme, les observations cruelles, qu’au nom de Rousseau dut lui faire Thérèse. Elle laissa s’étendre à ses misérables amours (les seules qui lui demeurassent !) les reproches de cette fille…

Mais quand Mme de Warens eut reçu la somme qui lui était destinée : de ce même geste dont elle s’était toujours servie pour prodiguer le trésor inépuisable de son âme et de sa chair, elle prit à son doigt le seul anneau d’or qui lui restât, et le passa au doigt de Thérèse.

Dans la misérable chambre qui fut la sienne,