Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/48

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D’autres se jetaient en des lacs glacés, dans l’espoir toujours déçu qu’ils en retireraient quelque naufragé. Ils regagnaient la rive, grelottants, assourdis, mais satisfaits de leur inutile dévouement, et prêts à s’élancer de nouveau.

D’autres s’obstinaient à mendier quelques vieux os au seuil des chaumières désertes de la route, attendant des coups de pied qui donnassent à leurs regards je ne sais quelle adorable mélancolie.

Il y avait un chien de rémouleur qui faisait tourner avec joie, langue pendante, la cage d’une meule où nul couteau ne s’aiguisait. Mais ses yeux rayonnaient de la foi passive en le devoir accompli, et il ne s’arrêtait de peiner que pour reprendre haleine et pour peiner encore.

Il y avait un labrit qui, avec la même foi, cherchait à ramener vers une bergerie des brebis égarées éternellement. Il les chassait au bord d’un ruisseau qui luisait au flanc d’une colline gazonnée.

De cette colline gazonnée, et sous bois, une meute descendait qui avait couru tout le jour