Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/61

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Donc, François alla trouver Dieu qui le reçut dans son jardin à la tombée du jour. C’était, ce jardin de Dieu, le plus humble, mais le plus beau. On ne savait d’où venait le prodige de sa beauté. Peut-être n’y avait-il que de l’amour. Au-dessus des murailles ébréchées par les âges, de sombres lilas s’épandaient. Les pierres, joyeuses, supportaient des mousses qui souriaient et dont les bouches d’or buvaient dans le cœur d’ombre des violettes.

En une lueur diffuse, qui ne tenait point de l’aube ni du crépuscule, elle était plus douce encore qu’eux, au milieu d’un carreau de terre, un ail bleu fleurissait. Un mystère entourait le globe bleu de son inflorescence, immobile et recueilli sur sa haute tige. On devinait que cette plante rêvait. À quoi ? peut-être au labeur de son âme qui chante, au soir d’hiver, dans le pot où bout la soupe des déshérités. Ô divine destinée ! Non loin des bordures des buis, les lèvres des laitues rayonnaient de muettes paroles, tandis qu’une grave lumière entourait l’ombre des arrosoirs endormis. Leur tâche était terminée.

Et vers Dieu, confiante et sereine, sans orgueil ni humilité, une sauge élevait son parfum misérable.