Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/63

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Et François se dirigea vers le Paradis des bêtes où, excepté des jeunes filles, jamais les enfants des hommes n’avaient pénétré. Il y joignit Lièvre qui errait et se désolait, mais qui, lorsqu’il eut vu venir à lui son ancien maître, éprouva une telle joie qu’il s’assit, l’œil plus ahuri que jamais, le museau tremblant d’un tremblement imperceptible.

— Salut, mon frère, dit François. J’ai entendu souffrir ton cœur et je suis venu ici pour connaître sa tristesse. As-tu mangé trop de graines amères ? Que n’as-tu la paix des colombes et des agnelles aussi blanches… ? Ô faneur de regain, que cherches-tu avec cette inquiétude, alors qu’il n’est plus d’inquiétude ici, et que jamais plus tu ne sentiras l’haleine des chiens courants sur ton pauvre poil de routier ?

— Ô mon ami, ce que je cherche, repartit le Museau-fendu, c’est mon Dieu. Tant que tu le fus sur la terre, je me sentis pacifié. Mais dans ce Paradis où je suis perdu parce que je n’y sens plus ta présence, ô frère divin des bêtes, mon âme étouffe, car je n’y trouve pas mon Dieu.