Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/81

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Et Clara d’Ellébeuse n’a jamais bien su qui fut cette personne. C’était une amie de la famille, lui a-t-on dit. Et elle aime cette tombe dont prend soin bonne-maman qui a planté là ces lys de feu, cette mémoire inconnue dont ne subsiste que le doux nom… Elle s’appelait Laura, c’est-à-dire presque Laure… comme la fiancée du grand-oncle Joachim.

Et l’enfant rêve encore :

Comment était-il, le cimetière de la Pointe-à-Pître où reposent l’autre Laure et son fiancé l’oncle Joachim ? Est-ce qu’il y a une église pareille à celle-ci ?… Moi, je me figure la Pointe-à-Pître à cause d’une gravure du Musée des familles… Il y a des forêts parfumées où les nègres se promènent. Comment était Laure ? Elle devait être grande et marcher lentement. Est-ce qu’ils s’embrassaient ?…

Et Clara soudain rougit et chasse la pensée. Sa grâce penche un peu vers le sol, cette grâce charmante et maladroite d’une enfant de seize ans. Par le verger, elle repasse et, remontant le perron, sourit au jardinier qui porte des laitues.

Bonne-maman travaille à sa tapisserie et petit-père, assis non loin d’elle, fume sa pipe. Et Robinson, le chien, dort sur la pierre en rond, le nez contre la queue.

— Bonjour, bonne-maman, bonjour petit-père.