Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/90

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dit Mme d’Ellébeuse. Et Gertrude prépare pour Clara quelque infusion de plantain.

— Échec et mat, dit M. d’Astin à M. d’Ellébeuse, qui sourit.

Clara s’est retournée, la tête haute, ses beaux bras nus toujours derrière le dos. Elle sourit, dans ses boucles lisses et regarde le jeu. Elle aime, sans bien les connaître, ces pièces polies qui glissent sur l’échiquier dallé comme un palais. Elle s’assied, silencieuse, auprès de la lampe et ouvre un volume qu’elle a toujours vu là.

C’est la Chine en miniature, de M. Breton, cadeau fait à M. d’Ellébeuse par son vieil ami d’Astin. Clara d’Ellébeuse regarde la gravure qui orne le chapitre sur la récolte du thé. Des singes roses gravissent une montagne au bord d’un ruisseau. L’un d’eux, assis auprès d’un arbre à thé, en embrasse le tronc qu’il secoue avec rage. Et des rameaux, choient des feuilles et des fleurs que recueille un Chinois à large culotte oronge, aux pantoufles feutrées et courbes, à tunique bleue, au chapeau de paille en abat-jour. Non loin, un singe qui a des gants blancs suce un fruit.

Clara d’Ellébeuse referme le volume. Dix heures sonnent. Elle embrasse tout le monde, va demander son chandelier à Gertrude, et monte dans sa chambre.

À se sentir seule, Clara d’Ellébeuse éprouve un