Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

soulagement. Non point qu’elle n’aime la société de ses chers parents, mais la solitude et la méditation apaisent un peu cette âme fragile.

« Mon enfant, lui dit souvent l’aumônier des Ursulines, vos scrupules proviennent d’une délicatesse trop grande. Votre conscience est timorée, mais cela est chez vous la preuve d’une grande bonne volonté. »

Clara d’Ellébeuse fait sa prière, puis se déshabille lentement, mais avec une pudeur excessive, la crainte de fixer trop longtemps ce que cache la robe de tante Aménaïde. Elle se dit qu’il est permis de regarder ses bras exposés à l’air tout le jour ; mais qu’il ne faut pas toucher ou regarder à son corps inutilement, en dehors de sa toilette.

Elle se couche, pose l’éteignoir de cuivre sur la chandelle, mais ne s’endort point tout de suite. C’est le moment où son âme se recroqueville. Alors, elle revoit mieux les choses en pensée qu’elle ne les a vues directement. Elle songe à M. d’Astin, à ce qu’il a dit du grand-oncle Joachim, de la fiancée Laure, au mystère que l’on fait autour de leurs mémoires. Puis elle se revoit dans le parc. Sous ses cils clos elle perçoit nettement la pelouse qui dévale au bas du perron, puis une cime d’ormeau, une touffe de bambous, puis une urne de pierre grise dans la perspective de l’allée ombreuse… puis s’endort.