Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/18

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une affaire que le rattraper, de le faire descendre avec précaution, car il se réveille avec un air tout hébété, et dès l’instant où il se réveille de son rêve, il est de nouveau paralysé des deux jambes, et on est obligé de le porter jusqu’à son lit. Il ne comprend rien à ce qu’on lui dit, et ne peut pas s’expliquer qu’on ait été obligé de chercher sur les toits un pauvre homme qu’une paralysie totale des deux jambes retient sur son lit depuis des mois.

Une dernière observation, car je tiens à multiplier les exemples instructifs[1]. Nous revenons au cas banal d’une jeune fille, Irène, âgée de vingt ans, qui tombe malade à cause du désespoir causé par la mort de sa mère. Il faut se rappeler que la mort de cette femme a été réellement très impressionnante et très dramatique. La pauvre femme, au dernier degré de la phtisie, était restée seule avec sa fille dans une pauvre chambre d’ouvrier, la mort est venue peu à peu avec les étouffements, les vomissements de sang et tout son cortège effrayant de symptômes. La jeune fille a lutté désespérément contre l’impossible, elle est restée soixante nuits près de sa mère, sans se coucher, travaillant à la machine à coudre pour gagner quelques sous pendant les instants où la mourante la laissait libre. Elle a essayé de faire revivre le cadavre, de le faire respirer ; dans ces essais, elle a fait tomber le corps hors du lit et au eu une peine infinie à le remonter. Ce fut toute une scène macabre que l’on peut aisément imaginer.

Quelque temps après l’enterrement, ont commencé chez Irène des accidents très curieux et vraiment très impressionnants. Ce fut un des plus beaux cas de somnambulisme auquel j’aie assisté : il se prolongeait

  1. Voir les détails de cette observation remarquable dans le Journal de psychologie normale et pathologique, 1904, p. 417.