Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/17

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le cadavre de cette jeune fille qui, dans un accès de délire, s’était précipitée par la fenêtre. Gib…, quoique très émue, conserve en apparence son sang-froid, aide à tous les funèbres préparatifs, assiste à l’enterrement, etc. Mais, à partir de ce moment, son humeur s’assombrit de plus en plus, sa santé s’altère et l’on voit commencer les singuliers accidents suivants. Très souvent, presque tous les jours, la nuit ou le jour, elle entre dans un état bizarre, elle paraît être dans un rêve : tout doucement elle bavarde avec une personne absente qu’elle appelle Pauline (c’était le nom de la nièce morte récemment), elle lui dit qu’elle admire sont sort, son courage, que sa mort a été très belle, elle se lève et s’approche des fenêtres, elle les ouvre, les referme, les essaye les unes après les autres, monte sur l’appui de la fenêtre, et évidemment si on ne l’arrêtait pas, se précipiterait. Il faut la retenir, la surveiller sans cesse, jusqu’à ce qu’elle se secoue, se frotte les yeux et reprenne ses occupations ordinaires comme si rien ne s’était passé.

Un homme de trente-deux ans, Sm., présente un cas encore plus étrange, il est d’ordinaire toujours couché sur son lit, car il a les deux jambes paralysées. Ne nous occupons pas aujourd’hui de cette paralysie, quoiqu’elle soit bien singulière. Au milieu de la nuit le voici qui se redresse tout doucement, il saute en bas de son lit avec légèreté, car la paralysie précédente a totalement disparu ; il prend son oreiller, le serre précieusement dans ses bras et lui parle comme à un enfant ; il croit en effet tenir son petit garçon et veut l’enlever pour le faire échapper aux persécutions d’une belle-mère. En portant ce fardeau, il sort de la salle sans faire de bruit, ouvre les portes, se sauve au travers des cours, puis en s’accrochant à une gouttière, il grimpe sur les toits, et le voici qui, avec une agilité merveilleuse, emporte son oreiller autour de tous les bâtiments de l’hôpital. C’est toute