Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/218

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période pourrait être appelée la période gastrique, car tout le monde se figure qu’il s’agit simplement d’une affection de l’estomac et on se comporte en conséquence : on trouve tout naturel que la jeune fille dont l’estomac est malade soit soumise à un régime sévère. Elle se résigne à tout et se montre d’une docilité exemplaire; d’ailleurs, en dehors des souffrances de l’estomac de plus en plus vagues, elle semble jouir d’une santé parfaite. Au bout d’un temps souvent fort long commence la seconde période, la période morale ou la période de lutte. On finit par s’inquiéter de la prolongation indéfinie de ces traitements, de ces régimes restreints qui ne semblent guère justifiés. On soupçonne des idées hypocondriaques et de l’entêtement. Tantôt on cherche à séduire la malade par toutes les délicatesses de la table, tantôt on la gronde sévèrement, on alterne les gâteries, les supplications, les menaces. L’excès d’insistance amène l’exagération de la résistance : la jeune fille semble comprendre que la moindre concession de sa part la ferait passer de l’état de malade à celui d’enfant capricieux et jamais elle ne veut y consentir. Enfin survient tôt ou tard, mais quelquefois après des années seulement, la troisième période dite la période d’inanition. Les troubles organiques commencent à paraître : l’haleine est fétide, l’estomac et l’abdomen sont rétractés, la constipation est invincible, les urines sont rares et contiennent peu d’urée. La peau devient très sèche, pulvérulente, le pouls est très rapide, entre 100 et 120, la respiration est courte et pressée. Enfin l’amaigrissement fait des progrès surprenants, à la fin les malades ne peuvent plus quitter le lit et restent dans un état semi-comateux. À ce moment, elles se comportent de deux manières différentes : les unes continuent à délirer et, comme disait Charcot, ne conservent plus qu’une seule idée, l’idée de refuser