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des idées fixes portant moins sur une représentation que sur une action. Le sujet ne semble plus songer qu’à une action qu’il cherche à exécuter malgré tous les obstacles. Bien des impulsions à voler, à frapper les autres, à attenter à sa propre vie, ou simplement à boire, se présentent sous la même forme que les crises précédentes. J’ai souvent insisté sur l’observation de Maria, une femme de trente ans, qui se met à boire pendant des journées entières tout à fait de la même manière que les somnambules précédents jouaient leur comédie. Elle finit par tomber dans quelque ruisseau et se réveille dans un hôpital ou dans une prison sans savoir pourquoi elle se trouve là et sans pouvoir comprendre ce qu’elle a fait pendant les huit jours précédents. Plus souvent qu’on ne le croit, de véritables crimes sont exécutés dans ces conditions et on peut en voir un bel exemple dans l’observation récemment publiée par le Dr Biaute[1].

Dans les cas précédents, l’idée fixe se manifestait d’une manière complète à la fois par des actes, des paroles, des attitudes, des perturbations émotionnelles, des hallucinations, des rêves. Mais le syndrome peut être moins complet et les premiers termes de ces manifestations peuvent être supprimés. Par exemple, l’action proprement dite disparaît souvent, le sujet au lieu de jouer son rêve se borne à le parler : il décrit la rivière où il a failli se noyer, le bateau qui chavire, le froid de l’eau. Sans doute il manifeste par ses expressions de physionomie et ses contorsions les émotions qu’il ressent, mais il ne joue pas la scène, il ne nage pas sur le parquet, il se borne à raconter qu’il le fait. Su… est bien amusante quand elle se figure monter au ciel, quand elle décrit les nuages qui se rapprochent

  1. Biaute (Nantes). Des maladies du sommeil et des crimes commis dans le somnambulisme. Annales médico-psychologiques, 1904, II, p. 399.